LES RESISTANTS DES
DEUX-SEVRES SUR LE FRONT DE |
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Après quatre ans de doute et de désespoir, mais aussi de lutte
et de combat contre l'occupant et le fascisme, Niort célèbre officiellement et en grande pompe sa libération
le 6 septembre 1944. Ce jour-là, défilent dans les rues de la capitale des
Deux-Sèvres les unités de Car Mais les Allemands ne reculent qu'en bon ordre et l'on sait
qu'il faudra encore près de huit mois avant que l'offensive générale des
Anglo-Américains d'une part et des Russes d'autre part ne contraigne
finalement Hitler à lâcher prise. Pendant ces huit mois supplémentaires de guerre, bon nombre
d'unités allemandes de France se sont retranchées autour de leurs bases
sous-marines : partout où elles existent, au Verdon et à la pointe de Grave,
à C'est ainsi que, dans la seule poche de Dans ce contexte, il convient, aux yeux des nouvelles
autorités françaises, de regrouper autour de la poche de Pour l'essentiel, les forces de |
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affiche de recrutement |
De
C'est au cours du mois de septembre 1944 que prend corps
l'idée de rassembler les volontaires de Tous les hommes de l'AS et des FTP, réunis au sein des FFI,
se voient proposer un engagement, pour la durée de la guerre ou pour une
durée supérieure, au sein de ce régiment. Mais nombreux sont les résistants
d'hier qui ne veulent pas se muer en soldats de demain. En effet, sur les 7
358 hommes que regroupent officiellement les FFI au jour de D'abord, les contraintes de l'engagement et de la vie
militaire. S'engager pour la durée de la guerre, c'est s'engager pour une
durée inconnue, dans des conditions sans doute difficiles et avec des risques
certains. Même pour ceux qui ont un idéal à réaliser et un but à atteindre,
il existe quelques obstacles, le premier d'entre eux étant sans aucun doute
l'attachement à une femme et à des enfants, qui a découragé les plus âgés.
Pour cette raison, les engagés volontaires du
114ème RI furent en majorité des jeunes hommes. C'est d'ailleurs
surtout à eux que s'adressent les affiches de propagande qui proclament: «
Jeune, pour frapper le dernier coup, engage-toi au 117e RI ou au 114ème RI » Une autre raison tient à la diversité des motivations des
différentes catégories de résistants. Et, à cet égard, il n'est pas inutile
d'opérer un petit retour en arrière et de rappeler comment la résistance
deux-sévrienne prit son essor au cours de l'année 1944. Les FFI s'étaient constitués par la fusion de deux troupes
principales, celles de l'AS (Armée Secrète) et des FTP (Franc -Tireurs et
Partisans). A l'AS, le nombre de soldats de l'ombre était, officiellement, de
561 à la veille du débarquement. Il doubla en moins d'un mois pour atteindre
1 081 au début juillet, puis quadrupla dans les deux mois de juillet et août
jusqu'à dépasser légèrement les 4 000 hommes (4 086 précisément) au moment de
la libération du territoire départemental, début septembre 1944. Pour les
FTP, qui étaient 116 au 1er juin, le mois de juin fut éminemment favorable
puisqu'il permit à ce mouvement de dépasser l'AS - selon ses affirmations
officielles - avec 1 575 hommes au 1er juillet. Les deux premiers mois d'été
permirent de renforcer encore le recrutement des FTP et de porter ce nombre à
3 272 à la veille de Au total, donc, le nombre des résistants passa de 677 au 1er
juin à 7358 au moment de Ceci correspondait aussi à des enjeux politiques majeurs de
la période de « En réalité, lorsque la fusion [entre l'AS et les FTP s'est
faite fin août et que j'ai eu le commandement du secteur 6 [des FFI] le
recrutement se faisait à tour de bras. Il était facile de voir le souci de
présenter en haut lieu des unités combattantes importantes... Dans la
pratique la majorité n'avait jamais participé à des actions contre
l'occupant. » Et André Garnaud d'expliquer la raison de cet enrôlement
massif : « Ce serait trop long de m'étendre sur les zizanies de
certains de mes chefs du Front National, qui n'avaient pas la même conception
de la résistance que nous. On avait déjà commencé le cloisonnement des
Français pour s'en faire un tremplin politique en vue d'une prise de pouvoir.
» Sentiment partagé par de nombreux résistants authentiques,
que celui d'avoir été dépossédé du but essentiel de leur action pour des
considérations politiques et partisanes et d'avoir surtout servi de pions
dans la lutte pour le pouvoir. Dès lors que la libération du territoire était réalisée,
beaucoup de résistants « de la onzième heure » considérèrent qu'ils avaient
fait assez pour pouvoir se faire délivrer un certificat de bonne conduite et
que la sagesse consistait à reprendre leurs activités civiles ordinaires. De
ce fait, l'engagement actif contre l'ennemi allemand ne leur paraissait
aucunement nécessaire. Sans doute même le ressentaient-ils comme dangereux! Il n'empêche que, courant octobre, les autorités civiles et
militaires pouvaient encore compter sur environ 5 500 hommes [iii]
prêts à participer à des actions patriotiques. Le préfet avait, en effet,
conçu le projet de créer, outre le
114ème RI, un bataillon de sécurité, constitué pour la période de la guerre,
et qui se verrait affecter des tâches de maintien de l'ordre (comme la garde
des prisonniers allemands ou de miliciens) ou de défense territoriale (en cas
d'attaque allemande en profondeur vers les Deux-Sèvres). Sur les 2 700 hommes affectés à ces tâches au lendemain du
départ des Allemands, il espérait pouvoir en garder 800 qui seraient répartis
en huit compagnies de formation territoriale [iv]
baptisées du nom de leur chef et confiées à huit résistants remarqués :
Sanson (Bressuire), Chessé (Thouars), Péaron, (Parthenay), Delage (Niort),
Gauthier (Sainte‑Ouenne), Perrot ( Sous la pression de Chaumette, leur ancien chef, ils « ont accepté
par esprit de discipline la mesure gouvernementale qui les supprimait car «
leur méthode qui convenait en période presque révolutionnaire ne cadrait plus
avec le retour à un régime normal » malgré leur « gros travail d'épuration » [v]
qui, en Deux‑Sèvres, n'avait guère appelé de critiques. Le mot est lâché. En évoquant cette période presque
révolutionnaire, les Renseignements Généraux sont à l'unisson avec la pensée
du Gouvernement provisoire. De Gaulle est obsédé par la crainte d'une prise
de pouvoir du parti communiste et se méfie de toutes les structures issues de
la clandestinité que ce parti pourrait contrôler. D'où sa volonté réaffirmée
d'un retour aux structures régulières et ses décisions de mise au pas des
organisations qui lui échappent. Reste enfin une explication à la chute rapide des effectifs
dans le passage des FFI au 114ème
RI : les pressions réitérées et puissantes des organismes civils qui
jouent un rôle‑clé dans la remise en marche de l'économie française,
tels que les PTT, les Ponts et Chaussées ou |
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